Humeurs

Que les lettres d’amour…

Petit inventaire (non exhaustif) du quotidien de l’écrivain public :

aide rédactionnelle, assistance administrative et réorientations …
Problème de voisinage, résiliation d’assurance et assignation …
Attestation d’hébergement, déclaration de sinistre et lettre de motivation …
Recours gracieux, demande d’étalement et indemnisation …
AAH, CMU, AFPA, DDCS, CNRACL, CNAV, MDPH et réclamations …
Requête bailleur social, syndic, aide juridictionnelle et contestation …
CV, pôle emploi, calcul retraite et pension de réversion …
Rapports d’activité, n° INSEE, BDF et taxe d’habitation …
Sécurité sociale, Tribunal, JAF, écoute et aide à la compréhension …

Alors, pour soigner son blues, l’écrivain public, quelquefois, rêve de lettres d’amour et écoute en boucle :

« On ne devrait permettre
Que les lettres
D’amour
On ne devrait écrire
Que pour dire
Bonjour

Ne parlons pas des circulaires
Des formulaires
De tous ces papiers
Qui réclament plus qu’ils ne donnent » [ … ]

CD Partage des eaux, 2000

cd-partage-des-eaux

http://www.annesylvestre.com/

Merci Anne Sylvestre


j’aurais aimé te dire

Notre concours de lettres intitulé : « J’aurais aimé te dire » a inspiré à l’une des membres d’EPACA-Sud, le texte ci-dessous. Lisez, partagez, réagissez… comme il vous plaira !

« A l’attention de Marcel Ruffo, de passage à Toulon à la librairie Charlemagne ce printemps, et défendant avec enthousiasme les nouveaux rythmes scolaires »

J’aurais voulu te dire, Marcel, l’ami,
Qu’être connu et reconnu il ne suffit
Pour tenir des propos non réfléchis,
Sur un sujet qui visiblement donne souci.

Ce jour-là tu retrouvais Toulon ;
Au marché, ta mémé y vendait les melons.
Tu es resté très sympathique
En dépit de l’emballement médiatique.

Donc, ce vendredi en librairie
Devant un public tout acquis
Les nouveaux rythmes scolaires tu défendais.
Aux enseignants, violemment tu t’en prenais :

« Ces enseignants ! Jamais d’accord !
Un changement et on dirait qu’on les mord !
Les minots avec ces sclérosés
S’ennuient ferme toute la journée ! »

A l’élaboration de ces rythmes tu participas
Et si, en haut lieu, le projet t’enthousiasma,
Les frais occasionnés les as-tu évalués ?
Des conditions d’application t’es-tu inquiété ?

Centré sur l’épanouissement des enfants
Te souviens-tu qu’ils sont très, très « vivants » ?
Tu travailles en cabinet, en tranquille dualité ;
Sais-tu combien les maîtres sont débordés ?

Tu proposes, Marcel, un atelier du « rien »
« Aujourd’hui, chers petits, on ne fait rien ! »
Tu crois vraiment que, sages et rêveurs
Ils vont rester la bouche en cœur ?

En 2 mouvements 4 temps tu verras
Un waï d’enfer, s’installera.
Pour qui la gestion de souk organisé ?
Et la responsabilité du possible défenestré ?

Tu suggères aussi, ô inconscient
Une mémé arabe, face à 30 boucans.
Tu affirmes : « ils seront heureux, c’est sûr, tous,
d’apprendre à faire un bon couscous ! »

Du saladier l’un sera vite coiffé.
Et les boulettes-fusées seront lancées.
Et mémé, dans ce merdier
L’entends-tu hurler, beugler ?

Au lieu de proposer, Marcel,
des ateliers aucunement pensés
Au lieu de critiquer, Marcel
les enseignants, tous ces ratés

Considère un peu la réalité
du terrain où évoluent ces enfants.
Ils ne sont pas du tout méchants,
Ils sont même très attachants.

Mais à observer Momo ou Ratédé
Ta petite Alice jamais tu ne reconnais.
Ta fille qui a tout réussi avec succès
Était-elle scolarisée dans une cité?

Tu appelles ces rythmes nouveaux.
OK. Montre-nous Marcel! Gère en solo !
Les enfants on te les laisse en confiance.
Pari accepté ? Eh bien, bonne chance !

Si tu t’en sors Marcel,
Des deux mains on t’applaudit.
Mais si tu te plantes Marcel,
Alors montre un peu de modestie.

Avant de si vivement juger
Prends la peine de considérer
Les dures conditions d’un métier
De professionnels harassés.

Ces décisions tellement bâclées
Génèrent des enseignants stressés.
Pour les enfants ils sont réellement très inquiets.
Mais pour toi, Marcel,
La retraite n’a-t-elle pas encore sonné?

M.M.


Acte de rébellion grammaticale

Je suis solidaire de l’acte de rébellion grammaticale qui consiste à donner au mot membre un genre féminin, quand le membre est une femme, une adhérente.

«  Membre fondatrice » au début, j’ai trouvé ça curieux. Cependant, après l’avoir lue dans plusieurs de nos présentations, cette formulation m’a paru intéressante. En effet, le mot « fondateur », quand il s’agit d’une femme, sonne étrangement même si l’on sait bien que c’est juste un adjectif qui s’accorde avec le nom auquel il se rapporte et patati et patata…. Une femme ne se sent pas « fondateur », mais fondatrice ! Le membre se vit et se pense alors au féminin ! Voici un thème de réflexion potentiel autant pour les psychanalystes que pour les grammairiens.

Mais soyons logiques: chaque adhérente ne devrait-elle pas, dans ces conditions, se revendiquer « écrivaine publique- auteure conseille » ?

Au premier regard, cette graphie peut sembler bizarre et plutôt lourde. Puis, après y avoir vu quelque chose de malicieusement provocateur, on peut la trouver tout à fait à son goût … pour finir un jour par l’adopter, et pourquoi pas la légitimer, par l’usage ? Rien n’est figé à jamais dans le langage.

Que choisir : respect de la règle et conformisme, ou bien fronde et affirmation de notre identité ? Ou bien encore tantôt l’un tantôt l’autre, suivant notre appréciation du contexte ?

Nous qui sommes des professionnelles de la langue écrite censées maîtriser le code, quels motifs nous poussent à nous affranchir de la norme, par moments ? Serions-nous dans ces présentations en train d’entrer en résistance contre le pouvoir machiste, via un acte de langage subversif, sans vouloir procéder de manière trop radicale ?

Il y a du féminin et du masculin en chacune et chacun d’entre nous. C’est peut-être ce qui conduit une adhérente à pouvoir s’affirmer écrivain public et auteur conseil, tout en refusant d’habiter le titre de membre fondateur. Membre fondateur, non, décidément, ce n’est pas possible, il y a trop de connotations masculines. Mais membre fondatrice, oui, c’est possible. C’est juste nouveau.

Danièle Saunier